écrit par Jonathan Denis
12-03-2024
CACAO
IN 2024
Découvrez les bouleversements impactant le monde du cacao en 2024.
Suivez-nous dans cette exploration, de l'introduction aux points clés, pour saisir les défis et les promesses d'un secteur en pleine évolution. 🌿🍫
CACAO IN 2024
Essayons de résumer la situation en quelques lignes :
La Côte d'Ivoire et le Ghana affichent des volumes de production très inférieurs à leur rendement habituel. Plusieurs mauvaises saisons consécutives n’ont pas permis d’avoir suffisamment de stock pour pallier ces aléas météorologiques. Les plantations sont vieillissantes, et l’investissement dans de nouvelles a tardé. Les maladies liées aux changements climatiques sont en hausse, et les variétés résistantes à ces nouveaux facteurs pourraient encore mettre des dizaines d’années avant de voir le jour et de représenter une part significative de la production mondiale. Cet ensemble de facteurs a érodé la capacité de ces pays méga-producteurs à absorber à eux seuls une bonne partie des besoins en cacao à l’échelle mondiale.
Si vous ne le saviez pas, la Côte d'Ivoire et le Ghana représentent plus de 60% du marché mondial du cacao, c'est-à-dire le cacao peut tracer, mélangé, s’étalant sur des millions d’hectares sans recherche de singularité et nourrissant une approche visant à uniformiser les goûts. Ce genre de cacao fait la main belle aux grands industriels qui cherchent avant tout un prix bas afin de continuer sans relâche à faire un maximum de profit au détriment des hommes, allant du producteur au consommateur.
La tendance haussière s’enflamme lorsque ces mêmes acteurs commencent à étendre leur prédation sur l’ensemble des pays producteurs. La chasse est ouverte ; il s’agit de racheter tout ce qui est possible. Les usines doivent tourner, et le modèle doit perdurer un peu plus. S'ajoutent à cela les boursicoteurs affamés de profit, les hedge funds visant les profits futurs, couvrant leurs positions pour diminuer les pertes ou anticipant des gains futurs qui ne profiteront qu'à eux seuls.
Jadis, le net écart entre les cacaos fins, de spécialités, single farm / single origin et ceux du commodity market était très élevé, en moyenne de 2x à 6x plus cher sur ces marchés de niche valorisant l’ensemble de la filière : agro-écologie, prix d’achat élevé, respect des hommes et des milieux naturels, valorisation des variétés anciennes peu productives, etc. De nos jours, avec ces fulgurantes ascensions des prix en très peu de temps, les deux marchés (bulk/commodity vs Cacao de Spécialité) sont maintenant côte à côte, et il n’est pas rare de voir des contrats négociés plusieurs mois en arrière être remis en question car d’autres acheteurs proposent un meilleur prix.
Heureusement, les collaborations à long terme résistent mieux à cet opportunisme, mais il faudra tôt ou tard s’adapter à la nouvelle réalité.
Les artisans vont, quant à eux, bénéficier de cette opportunité. Bien sûr, le prix des fèves va augmenter de 2, 3, voire 4 euros/kg, mais ce n’est pas le poste le plus important pour eux ; la part du travail des artisans l’est bien davantage. Les industriels, ayant déjà éliminé et rationalisé à l’extrême le nombre de travailleurs impliqués dans la confection, vont être nettement plus impactés. Les guerres de prix visibles dans les supermarchés seront-elles enfin abolies ? Quelle sera l’attitude des géants du secteur face à ces nouveaux défis ?
Quelle est cette nouvelle réalité ?
Le nouveau monde dépeint une situation qui est là pour durer. Il devient tentant pour les producteurs d’abandonner les variétés anciennes et rares au profit d’un cacao 4x plus rentables à l’hectare et vendu dès à présent à un prix nettement plus avantageux.
Les prix vont également se consolider, poussés par la demande forte, les réalités du terrain et climatiques mentionnées précédemment, les challenges du fret, de l’énergie fossile moins abondante mais aussi, et avant tout, d’un changement drastique et essentiel dans notre considération envers les mains qui œuvrent à produire un cacao de qualité.
Les gains pour les producteurs n’est pas encore partout notable, ce n’est qu’une question de temps.
Certains mettent l’accent sur l’abolition du travail des enfants, d’autres sur les conditions de travail et la rémunération ; il est temps de respecter et honorer les êtres qui sont les principaux acteurs de la filière agricole mondialisée.
Il est temps d’offrir à ces personnes un salaire qui leur permet de s’élever, de voir venir, d’offrir l’éducation et les soins qu’ils/elles et leurs familles méritent à juste titre.
La valorisation du secteur passe avant tout par la valorisation des hommes et femmes, leur donnant les atouts économiques, sociaux, culturels et techniques pour s'émanciper tout en permettant la préservation des terres, des pratiques et de la biodiversité.
Comment parvenir à un changement ?
S'en remettre à la main du marché n'est pas la solution. L'action de chacun des partis impliqués est essentiel : en prenant ses responsabilités, en œuvrant en conscience et en diminuant la propension égoïque et mercantile pour plus de justesse et d'équité.
Vous, les amoureux du chocolat ou du cacao médicinal jouer également un rôle essentiel. Soyez le changement, en accueillant l'idée que votre tablette ou votre boisson chocolatée s'appréciera d'autant plus à sa juste valeur.
Chercher le bon marché, bousculer les habitudes de consommation en sautant d'un artisan à l'autre, d'une marque à l'autre, d'un magasin à l'autre afin d'optimiser son panier d'achat n'a pas de sens.
Investissez dans vos aliments et ceux qui les produisent avec passion.
Si la rationalité doit être valorisée, elle se pose avant tout dans les quantités consommées, la qualité et les valeurs portées par ceux qui vous donnent accès à ces trésors naturels sont les axes les plus importants à garder à l'œil dans nos petits calculs intérieurs.